samedi 10 décembre 2005

Sédentarisation au pays de mes ancêtres

Après un bref passage au bord de l'océan, j'ai renoncé à mon idée de terrain au bord de la mer. Mais en revenant vers Paris, je suis passé dans les Monts d'Arrée, pays qui a toujours fait battre mon cœur, et j'en suis reparti propriétaire de cette petite maison :

dimanche 4 décembre 2005

Commencement

Tout a commencé par un voyage dans le temps. Mais pas le temps linéaire que nous présentent ces lignes droites qui en disent si peu. Non, un temps irrégulier, sinueux, imprévisible.
On ne sait jamais ou il va.
On court après.
On le dépasse parfois courageusement mais on se retourne toujours pour voir s'il est derrière.
On l'aime bien.
Se retrouver a l'‘orée du monde, tout essoufflé, et ne plus voir le temps derrière soi, ¢a fait bizarre.
Je ne m'en suis pas rendu compte sur le coup, je l'ai nié et j'ai continué a courir.
Et maintenant je suis perdu.
Bon j'ai encore quelques repères, mais plus beaucoup.
Le grand vide.
La page blanche.
Bon. Commençons.

Combat débile


Mes problèmes avec l'alcool. Extraits d'un journal écrit sporadiquement au fil des années...

Jeudi 22 septembre 2005
Ça fait des années que ça dure.
Je me réveille dans la nuit, je me suis endormi n'importe où, je ne trouve plus mes lunettes, j'ai des crampes, la bouche pâteuse, envie de vomir, et je me dis "ça y est, j'ai recommencé, il faut que j'arrête". Alors je me lève et je vide toutes les bouteilles qui restent dans l'évier, s'il en reste. Et je me sens mieux, persuadé que je vais réussir.
Quand le soir arrive, le Yan du soir a oublié le Yan du matin, et je remet ça, plusieurs jours de suite, jusqu'à ce que j'arrive à la honte : à faire un truc dont j'ai vraiment honte et là j'arrive à faire passer le message au Yan du soir et je m'arrête vraiment.
Ça m'est arrivé de m'arrêter pendant 3 ans. Parfois ça ne dure que 2 semaines, parfois quelques mois.
J'ai commencé à m'accrocher doucement depuis l'adolescence, j'ai 54 ans, je ne pensais pas arriver jusque là.... Mais je me souviens que j'ai commencé à boire seul dans ma chambre pour me défoncer alors que j'étais encore au lycée.
Et puis il y a eu la période DJ, des litres et des litres d'alcool, toutes les nuits, jusqu'à peser vingt cinq kilos de plus....
Il y a 2 raisons qui me font boire : lorsque je vais très bien et lorsque je vais très mal : lorsque je vais très bien, je suis euphorique, je me sens très fort, et je replonge ( souvent à l'occasion d'une fête entre amis ) : lorsque je vais très mal, je m'enferme tout seul et je me défonce jusqu'à tomber.
Il n'y a que dans l'action que j'arrive à ne pas boire. Quand j'ai une mission importante par exemple.
Ce matin, c'est le cas, j'ai une mission sympa qui vient de tomber, et je me sens la force de dire non pendant quelques temps.
Mais après ? J'aimerais tellement trouver le truc, avoir le réflexe de me dire qu'il ne faut pas, le jour où je vais croire que je suis assez fort pour ne boire qu'un seul verre....

dimanche 23 octobre 2005
Je tiens le coup. Ça fait presque 2 mois maintenant.
J'ai envie de minimiser cette victoire parce que ça va bien dans ma vie en ce moment : j'ai du boulot, j'ai rencontré quelqu'un qui me soutient, mais c'est une victoire car j'y arrive alors que je suis seul.
Je suis en mission à Miami depuis 3 semaines et je n'ai pas bu une goutte.
Pourtant j'aurais pu le faire sans que personne de mon entourage s'en aperçoive....
...c'est bête de dire ça à 54 ans hein ?
De se sentir coupable, d'avoir des réactions de môme devant l'interdit... un peu minable direz-vous ?
Et bien, pour moi, c'est une grande victoire de réussir à passer des soirées à
m'angoisser sans me dire " et puis merde " pour sortir m'acheter une bouteille.
Ici, comme dans toutes les grandes villes du monde occidental, on peut acheter de l'alcool à n'importe quelle heure, jour et nuit.
Quand on arrête de boire on s'aperçoit à quel point notre civilisation est
pourrie par ce fléau.
Des bars partout, des magasins d'alcool ouverts 24 heures sur 24, et, surtout, des gens incapables de faire la fête sans boire !
Depuis maintenant 15 ans que j'ai pris conscience de mon alcoolisme, et que
j'essaye d'arrêter de boire définitivement, le + longtemps que j'ai tenu c'est 3 ans.
Et à chaque fois le mécanisme de rechute est le même :
je vais bien et je vais dans une soirée où je me sens bien, on me propose un verre, par exemple un très bon vin, et lorsque je dis que je ne bois pas, on me rétorque " Oh ! C'est dommage ! un si bon vin !", et tout le monde se met alors à parler des bienfaits du nectar.
Je tiens une fête, deux fêtes, et un jour je me dis "allez, un verre, tout va bien, je bois un verre aujourd'hui, et c'est tout".
Et je ne bois qu'un verre.
Les jours suivants, je ne bois pas, et, généralement, le week end suivant, je me dis ce truc stupide " C'est génial ! j'ai bu un verre et j'ai réussi à ne pas boire les jours suivants", et je sors m'acheter une bouteille de bon vin.
Et c'est parti ! D'abord je ne bois pas tous les jours, tous les 3 ou 4 seulement, puis tous les jours une bouteille de vin, et puis je rajoute la bouteille de whisky le week-end  et c'est l'escalade....
Seulement maintenant, je suis rapidement malade, ce n'est pas comme il y a 15 ans où, lorsque j'ai arrêté, je commençais ma journée par vomir dans les toilettes depuis plusieurs années.
Aujourd'hui je suis revenu écrire sur ce blog parce que hier il a encore fallu
que je justifie mon alcoolisme.
Je trouve ça très difficile.
Lorsque l'on dit aux gens que l'on est alcoolique; la première question c'est : " vous buviez quelle quantité ?".
Et on a pas envie de se lancer dans des explications compliquées, genre :
" j'ai eu des périodes à une bouteille de whisky par jour et d'autres à 4 verres de vin par jour mais c'est pareil c'est l'habitude qui fait l'alcoolisme ", parce que là, on rend l'interlocuteur mal à l'aise, et on part dans des discussions débiles
Souvent la raison c'est que, une fois sur deux, la personne vous pose cette question parce que elle même se demande si elle n'est pas un peu alcoolique aussi.
Alors maintenant, j'exagère et je ne parle que de ma pire période :
" Quand j'étais DJ, je buvais plus d'une bouteille de whisky par nuit, j'avais 2000 personnes à faire danser tous les soirs, alors vous comprenez..... ".
Et la personne en face de moi hoche la tête avec compréhension mais son sourire est surtout dû au fait qu'elle même se sent rassurée : elle n'en est pas encore là, elle ne boit pas autant !
Et elle va se resservir un verre de punch....
Pendant une période j'ai eu envie de faire la guerre à l'alcool, et lorsque je voyais quelqu'un qui ne pouvait pas s'empêcher de boire son verre de whisky tous les soirs, j'essayais de lui démontrer que c'était une forme d'alcoolisme.
Et puis j'ai arrêté de le faire parce que souvent ça ne sert à rien et ça entraine des discussions inutiles.

jeudi 4 octobre 2007
Quand j'étais petit et qu'on me disait "dis bonjour à la dame", mon père m'avait appris à répondre "j'aime pas les gens".
Et c'est ce que j'ai fait.
En fils obéissant je répondais par cette phrase stupide, en prenant un air borné qui faisait rire tout le monde.
Et plus les gens riaient et moins je les aimais.
Cinquante ans plus tard, je n'aime toujours pas les gens.
Mais quand on n'aime pas les gens, on n'aime pas la vie, et je n'aime plus la mienne.
Merci papa.
J'ai emménagé à Pernes Les Fontaines début juillet.
Ai-je déjà aimé quelqu'un ? Je crois bien que non.
L'éducation de mon père a porté ses fruits

mardi 16 octobre 2007
J'ai cessé de lutter comme un con. Je bois, parfois trop, mais pas régulièrement. Depuis que je suis à Pernes, j'arrive à vivre mon alcoolisme avec sérénité. Pourvou qué ça doure.

mardi 12 février 2008
Malgré un petit écart d'une bouteille au retour de Doha, ça fait 3 mois que je n'ai pas bu une goutte.
Ce soir j'ai été obligé de prendre un calmant pour réussir à ne pas aller acheter une bouteille de whisky. Ça na va pas fort, mais il faut que je tienne. Je ne supporte plus l'alcool, ça me fait mal, ça me rend malade.

mardi 6 mai 2008
De retour à Scrignac depuis 1 mois. Obsédé par la douleur de la hernie discale. Mort de trouille de souffrir, de mourir. En lutte perpétuelle avec l'alcool. C'est pas le pied. Heureusement qu'il y a le boulot et ce logiciel qu'il me tient à cœur de faire naître enfin.

dimanche 20 juillet 2008
Je suis complètement déprimé. Ça fait des mois que je vis accroché à des cubis de pinard, que j'écluse, et écluse. Tous les soirs je tombe vers 21 heures et je me réveille, mal, tous les jours à 4 ou 5 h du matin. J'en ai marre, il faut absolument que j'arrête. Mais je ne veux pas rompre ma solitude, et seul, c'est très, très dur

lundi 2 février 2009
J'ai arrêté, il y a 2 jours, de nouveau.
En Octobre je suis allé voir le médecin et il m'a prescrit de l'Aotal et du Xanax.
J'ai tenu le coup pendant 2 mois, c'était les 2 mois que j'ai passé à bosser avec Kim, et c'était vraiment bien.
Je suis allé à Miami et j'ai repris l'habitude de mes petites flasques de Jack Daniels et puis je suis revenu en Bretagne et j'ai recommencé la ronde des cubis.
Le fait d'être au chômage et désœuvré ne m'aide pas...
Alors j'ai décidé d'arrêter.... de nouveau..... il faut que j'ai le courage de tenir, je me sens vraiment trop mal avec cette dépendance.

samedi 7 mars 2009
Hier soir, dans le train vers Guingamp, je m'étais persuadé qu'il fallait que j'achète une bouteille de blanc pour accompagner les huitres que je vais acheter au marché de Carhaix ce matin, et puis, quand je suis arrivé et que j'ai vu que François n'avait pas fait le crépi de la véranda, ça m'a encore renforcé dans l'angoisse, et je me suis couché avec cette idée de ne pas être abstinent ce weekend.
Mais ce matin je me suis réveillé frais comme une rose.
Alors, il faut que je tienne ! Je me sens beaucoup mieux quand je ne bois pas, alors pourquoi recommencer ?

lundi 16 mars 2009
Je suis dans le TGV.
Ça fait 10 jours que je n'ai pas bu une goutte, et en plus j'ai complètement arrêté le Xanax, et je me sens vraiment, vraiment bien. Il faudra que je m'en souvienne. Pourvou qué ça doure.
Bashung est mort hier, la vie est absurde mais j'ai envie de continuer à vivre....

jeudi 19 mars 2009
J'ai bu du whisky. J'ai jeté le reste de la bouteille de Jack Daniels dans l'évier. C'est minable. Le problème, c'est que j'ai eu des crises d'angoisses, avec des picotements partout, aujourd'hui. Est-ce que c'est dû au fait que j'avais bu du vin hier soir ? J'arrête de nouveau. Cette fois, il faut que je tienne.... putain j'en ai marre de cette vie de con.

samedi 21 mars 2009
Je suis à Scrignac pour le week-end, bien décidé à tenir le coup cette fois-ci.
Pourquoi est-ce que j'ai craqué cette semaine ?
Parce que je n'ai pas réussi à gérer mon stress.
Mon angoisse a des effets physiques que je n'arrive à calmer qu'avec l'alcool.
Il y a d'autres moyens, pourtant, par exemple lorsque je faisais du jogging tous les matins, j'arrivais à supporter ce malaise; mais depuis que j'ai eu mon hernie discale, je ne cours plus.
Il faut dire aussi qu'à Scrignac ce n'est pas très agréable de courir.
Ce weekend je vais faire du jardin et du vélo.
Ensuite, je vais retourner à l'hôtel pour 4 jours et puis loger chez Laetitia pendant 10 jours, ça va me changer, et si j'arrive à tenir sans boire jusque là, ça sera déjà un grand pas.

mardi 24 mars 2009
Même si hier soir ça n'allait pas fort dans cette chambre d'hôtel de Malakof, il faut que je me souvienne du plaisir que j'ai à dormir, à rêver, et à me réveiller frais et dispos lorsque je ne bois pas....

mercredi 25 mars 2009
Rien de spécial ce matin, sinon que je tiens les coup... 7 jours ce n'est encore le record, mais je vais y arriver !

mercredi 1 avril 2009
Tout va bien. Pas d'angoisse. Pas de manque, pourvu que ça dure...

mardi 7 avril 2009
20 jours sans boire et hier je me suis acheté une demi bouteille de vin parce que j'étais vraiment trop angoissé par l'attitude de David et parce que je m'attends à ce qu'il me dise aujourd'hui qu'il ne m'embauche pas. Donc je remets le compteur à zéro. En plus j'ai bouffé une boite de pâté dégueulasse, et j'ai mal au cœur...
Ce soir je dîne chez Didier, et je vais sûrement remettre ça...
Après je me remettrai à l'eau, oui ou non ? oui je crois que je le ferai.....on verra.

dimanche 12 avril 2009
Hier, j'ai bu une demi bouteille de vin blanc le midi et la moitié d'une bouteille de Jack Daniels le soir.
Je ne vais rien boire aujourd'hui car demain je prends la route.
Pour une fois, je ne vais pas vider la bouteille dans l'évier, je vais la laisser ici à Scrignac.

samedi 18 avril 2009
Bon, j'ai atteint la limite, je vais arrêter, le plus longtemps possible. A l'eau !
La bouteille de Jack Daniels du we dernier, + tout le vin que j'ai bu cette semaine : non seulement ça me mine mais en plus ça coûte cher !

dimanche 19 avril 2009
Je crois qu'il faut que je me fasse à l'idée que ma vie une un cycle binaire entre les périodes où je bois de l'alcool et celles où je suis abstinent.
Bon, j'entame une nième période d'abstinence.
Remise à zéro des compteurs.

lundi 20 avril 2009
allez ! 2 jours sans boire
ça fait du bien !

vendredi 24 avril 2009
Une demi-bouteille de vin.
A près 6 jours d'abstinence.

jeudi 21 mai 2009
Je suis dans le studio de Chatillon depuis 5 jours, mais je ne me sens pas mieux. Bien sûr je suis content d'avoir réussi à faire ce que je voulais : me faire ré-embaucher par David et me trouver un appart sur la coulée verte, mais je ne me sens pas mieux.
J'ai réussi à tenir 4 jours sans boire, j'ai même recommencé le jogging, mais hier soir j'étais vachement angoissé et je suis allé m'acheter une bouteille de vodka. J'en ai bu un tiers et je me suis endormi sur le divan. Je viens de me réveiller, il est 5h et j'ai vidé le reste de la bouteille dans l'évier. C'est nul, ma vie m'emmerde.

vendredi 28 janvier 2010
Ce vendredi soir là, l'envie de boire s'est installée dans mon cerveau, irrépressible, comme un programme qui s'enclenche et qu'on ne peut pas arrêter.
En éteignant mon ordinateur j'ai dit à Kim, qui partage mon bureau :
- "Ça ne va pas. Je crois que je suis parti pour me défoncer ce week-end".
Et il m'a répondu :
-"Déconne pas. Tu tiens le coup. Ça fait combien de jours que tu n'as pas bu ?".
-"Trente huit jours. Oui je sais c'est débile, mais c'est là !". Je me suis tapé sur le front en lui disant cette phrase qui résumait bien la situation. Un mécanisme avait démarré dans ma tête et il allait me conduire au "rayon du fond".
Kim lisait dans mes pensées, je lui avais déjà décrit le phénomène :
-"Pas le rayon du fond, OK ?". Et il est parti. Il savait qu'il ne pouvait rien faire de plus. C'était un combat entre moi et moi.
Je suis allé au rayon du fond du supermarché avec le sentiment de perdre, acheter mes deux litres de whisky, les moins chers, la tête baissée comme pour mieux foncer. Il était 18h.
A 19h j'étais déjà ivre, tout seul dans mon studio, et j'écrivais des messages débiles et désespérés dans le vide de la toile.
Quand je me suis réveillé par terre à 4h du matin, le second scénario habituel s'est enclenché, celui de la honte et de la mort.
Marcher de long en large dans la pièce en répétant : "Merde, merde, pourquoi j'ai fait ça ? Je suis con. Pourquoi j'ai fait ça ? Je vais plus pouvoir m'arrêter. C'est quoi cette vie de merde ? Pourquoi je vis ça ? Faut en finir, faut en finir".
Et le rituel du suicide qui n'aboutit jamais, comme un théâtre minable que je me joue, toujours les mêmes gestes, poser les somnifères, le sac plastique et le rouleau de scotch sur la table basse, s'asseoir devant, essayer le sac, et puis l'image de mes proches qui trouvent mon corps asphyxié, cette image qui me fait tout repousser d'un revers de main.
D'habitude le scénario se termine parce que je me ressers à boire et que je m'écroule à nouveau, mais, cette fois là, ça s'est passé différemment.
Je me suis levé et j'ai regardé autour de moi. Les murs du studio m'ont étouffé. J'ai mis mon manteau, j'ai pris mes clés de voiture, je suis descendu au parking et j'ai roulé vers Paris.
Vers Saint Michel, j'ai pris une pute en stop, elle était complètement défoncée, elle n'arrêtait pas de parler, de râler après l'enculé qui lui avait piqué ses clopes et après le connard du cybercafé qui ne voulait pas qu'elle y dorme. Je l'ai amené jusqu'à Pigalle et je lui ai donné un peu de sous pour qu'elle s'achète des cigarettes et puis je suis reparti vers le sud de Paris.
Je n'avais pas envie de rentrer chez moi mais je ne savais pas où aller. Ça et là, des groupes de jeunes débordaient sur les trottoirs, complètement défoncés.
Je me suis senti très vieux et très fatigué.
Vers les quais de Seine, j'ai vu un mec debout à coté d'une jeune fille allongée par terre. Je me suis arrêté.
-"Ça ne va pas ? Je peux vous aider ?"
-"Quoi ? Ah ! Elle ? Non, je la connais pas, elle est raide. Vous allez vers Alesia ?".
Il s'appelait Romain, il était sympa, il bossait dans une boutique de piercing. Quand il m'a demandé ce que je faisais, je lui ai dit que j'étais informaticien mais que j'en avais ras le bol de passer mes journées à écrire du code sur un ordi, que j'avais envie de tout plaquer.
-"Ouais, tu as raison ! Plaque tout ! Allez ! Bonne vie !". Je l'ai largué devant le Mac Do d'Alésia.
Je suis renté chez moi.
Il était 6h30.
J'ai envoyé un email à toute ma famille, à tous mes collègues, et à mon patron, en leur disant que j'en avais marre de cette vie et que, plutôt que me suicider, j'avais décidé de tout plaquer et de partir droit devant moi.
J'ai mis des affaires en vrac dans la voiture et je suis parti vers le Sud.
Au début j'avais la tête bien embrouillée. Il pleuvait, il faisait nuit.
Quand le jour s'est levé et que la pluie s'est arrêté, j'avais décidé de partir au Maroc.
J'étais à 250 km de Paris.
Et c'est alors que je me suis aperçu que j'avais oublié mon passeport.
J'ai fait demi-tour et je suis rentré vers Paris en me maudissant.
Arrivé à Clamart, la voiture a commencé à faire un drôle de bruit. J'ai ouvert le capot, c'était un bruit métallique épouvantable, et de la limaille de fer sortait du coté de l'alternateur.
J'ai réussi à rouler jusqu'au garage près de chez moi, c'était la fin de l'après-midi du samedi, et le garagiste me dit qu'il ne pourrait pas la réparer avant le mardi.
Je suis rentré dans mon studio.
Je me sentais incapable de revenir en arrière.
Mes sentiments étaient partagés entre la honte, l'angoisse de l'insécurité, et un putain de désir de liberté.
Pendant les 3 jours qui ont suivi, j'ai écrit et appelé la poignée de gens qui m'aiment, et ils m'ont vraiment fait du bien.
Mais je n'arrivais pas à prendre une décision précise. Je me disais que j'allais repartir vers le Maroc dès que ma voiture serait réparée, mais au fond de moi je n'étais pas convaincu de la clarté du projet.
Mardi, à 17h, je suis allé chercher la voiture au garage, et je suis rentré à mon studio pour prendre des affaires et repartir.
L'ordi était allumé sur la messagerie Gmail et il y avait ce message de mes amis Porto-Ricains sur l'écran :
Hello,
Yes please come immediately! We have been talking about your possible move to Puerto Rico and it sounds like it might be the change that you are looking for. As far as staying with us, you can stay here and also if you like, in our boat in Culebra which is now very comfortable. There are many possibilities for work specially if you are flexible. Let us know when you are arriving and we will pick you up from the airport.
Lots of love.
Alors demain je vide ce studio maudit, je rends les clés et je décolle lundi matin.
Je vous souhaite à tous d'avoir des anges comme les miens.

vendredi 2 décembre 2011
Je m'étais trompé sur la signification du message de Grego et je n'ai rien trouvé à faire à Porto-Rico, si ce n'est boire du rhum. Je suis retourné vivre avec Isa et nous nous sommes installé à La Ciotat.
Mais ça ne va pas vraiment mieux, j'ai du mal à maîtriser mes émotions, surtout la contrariété.
Lorsque ça ne se passe pas comme je le voudrais, l'angoisse s'installe et ne s'en va plus, elle occupe toutes mes pensées, elle me paralyse.
Dans ces moments là, je me dis que la seule solution pour que cette douleur psychique s'arrête c'est de boire de l'alcool. Et c'est vrai. L'alcool anesthésie instantanément mes angoisses, dès le premier verre.
Malheureusement, je n'arrive à me contenter d'un ou deux verres que pendant quelques jours. Pendant la première semaine, je me sens plutôt bien dans la journée, même si un évènement me contrarie, et j'arrive à tenir jusqu'au repas du soir où je m'autorise à boire un peu, mais ça ne dure pas plus longtemps.
Très rapidement, la pensée du verre que je vais boire le soir m'obsède toute la journée, il emplit mes pensées et je ne maîtrise plus la contrariété. Alors j'augmente les doses, je bois de plus en plus tôt, j'achète de l'alcool de plus en plus fort, jusqu'à ce que la peur de sombrer dans un alcoolisme plus profond s'installe. Alors je décide d'arrêter.
Ça fait plus de quarante ans que ça dure.
Je n'ai pas bu une goutte d'alcool depuis le 2 octobre. J'avais repris un peu cet été, mais pas longtemps. En fait, depuis que je vis à La Ciotat j'ai été abstinent les 3/4 du temps.
Depuis que je vis avec Isa, c'est beaucoup plus facile, et aujourd'hui j'ai vraiment l'espoir de réussir à arrêter complètement ce combat débile.

mardi 3 janvier 2012
C'est étrange. Ça ne fait que 3 mois que je n'ai pas bu une goutte et j'ai l'impression que ça fait une éternité...

vendredi 21 septembre 2012
Je n'ai pas bu d'alcool depuis onze mois et trois semaines.
Bientôt un an sans une goutte !
Incroyable !
Je pense que je vais mieux quand je relis ces messages....
...et pourtant je me lève tous les matins avec l'angoisse de vivre.
Foutu Démon !
Combat Débile !

vendredi 8 Mars 2013
Je n'ai pas bu une goutte depuis octobre 2011. Un an et demi ! Mais j'ai la jambe droite coincée par le nerf sciatique depuis plus de 2 mois. Je viens de passer 3 semaines à Miami et puis sur le bateau le Silver Cloud, jusqu'à Porto Rico, mais je n'ai pas pu apprécier, à cause de la douleur. Elle m'a pris quand j'ai travaillé au Futuroscope en décembre, et ça a continué au Puy du Fou, où j'ai bossé pour Joss, puis à Miami. Je vais passer un scanner lundi, j'espère qu'il vont trouver ce que j'ai...

dimanche 21 juillet 2013
L'opération de la hernie discale s'est bien passée, j'arrive de nouveau à marcher, mais je suis fatigué. Il faut dire que l'été est torride.
Je ne bois toujours pas. C'est vraiment chouette. Et coté boulot ça va plutôt bien.

jeudi 23 janvier 2014
Je suis à l'aéroport de Guayaquil.
De retour de ma mission d'installation TV pour Silversea.
Je passe le temps en attendant l'avion, et tombe sur ce journal, sur ce sujet troublant : l'alcool et moi.
Depuis l'opération de la hernie discale, je me sens vraiment en pleine forme, et l'alcool me fait peur. J'aimerais bien boire un verre de temps, comme récompense, comme détente, mais j'ai tellement peur de replonger dans le cirque infernal que j'ai vécu pendant 30 ans....
Ce journal est là pour me le rappeler, c'est bien.

lundi 8 septembre 2014
J'ai commencé ce journal sporadique il y a presque 9 ans. Aujourd'hui je suis sobre. Je suis dans le TGV pour Poitiers et je suis content de pouvoir m'occuper l'esprit en attendant le résultat des examens hospitaliers que je vais passer la semaine prochaine. Les médecins on découvert une anomalie sur une vertèbre et un nodule aux poumons qui leur font craindre un cancer. L'attente du diagnostic est assez dure à supporter maintenant mais ma première réaction à l'annonce de cette nouvelle ressemblait à du soulagement. La mort m'attire depuis toujours et j'ai hâte de la rencontrer. Cette maladie ne me fait donc pas peur. Ce qui m'angoisse c'est de ne pas savoir la gérer en face de mes proches, je ne voudrais pas qu'ils souffrent trop.

mercredi 3 décembre 2014
Cancer au poumon, infiltré dans la plèvre avec métastase sur la vertèbre T9. Quand je regarde sur internet, je ne vois que des articles qui disent que c'est incurable.
D'abord je me suis dit que c'était bien la peine d'avoir arrêté de boire depuis 3 ans pour me taper tout ça : crises de goutte, hernies discales et maintenant cancer, mais je n'ai pas envie de recommencer à boire, ça ne m'apportera rien.
J'ai décidé de faire ce que les médecins me disent, pour essayer de vivre le plus longtemps possible, sans trop croire en ma guérison.






samedi 26 novembre 2005

U-Turn

Le début a été chaotique. Une rupture. Un voyage dans le passé. Le retour a Miami. La semaine a Nassau pour finir la mission, et puis le retour dans la solitude parisienne et le froid. J'ai effacé ces messages la, je n'ai gardé celui que j'ai écrit a Brickell, ce présage que je n’ai d'ailleurs toujours pas compris.

jeudi 17 novembre 2005

Brickell

A l'heure du déjeuner, le quartier de Brickell me fait penser au feuilleton "Le Prisonnier”.
Les gens déambulent avec lenteur dans la chaleur.
Les hommes portent des chemisettes impeccables et les femmes des tailleurs légers.
Une impression de ralenti flotte dans l'air, et une fausse impression de légèreté, fausse quand regarde un peu plus prés, pas de sourires, pas d'échanges amicaux.
Les visages sont fermés, préoccupés, sérieux.
Les américains sont des gens sérieux.
On n'y rencontre pas d'énormes boules gardiennes comme dans la série télévisée, mais on peut voir tournoyer des aigles dans le ciel lavé par les vents de la baie.
Je pense souvent au jour ou j'ai vu ce que j'ai alors interprété comme un signe.
Je roulais lentement en vélo dans le quartier de Brickell, préoccupé pas des décisions a prendre, a la recherche d'un chemin, comme cela m’arrive souvent.
Je me suis arrêté le long de l'allée d'un parking, j'ai posé le pied a terre et un cri strident m‘a fait lever la tête.
Trois aigles ont tournoyé une dizaine de fois au dessus de moi, très bas, ils m'ont presque frôlé, c'était impressionnant. Et puis ils sont tout a coup partis vers l'ouest.
Je me suis remis en selle, avec l'impulsion de les suivre mais il y avait un chien jaune devant la roue du vélo.
Il avait la tête relevé et me regardait fixement, un regard intense, humain.
Il me barrait le chemin et je n'ai pas pu démarrer.
J'ai regardé vers le ciel, les aigles avaient disparu.
Lorsque j'ai baissé les yeux, déçu de ne pas pouvoir les suivre, le chien avait disparu aussi.

mardi 15 novembre 2005

Back to Miami

Finalement, la mémoire me revient par bribes.
Trente cinq ans de vie disparus en bloc et qui se reconstruisent peu a peu comme un puzzle.
Les amours, les enfants, les spectacles, la technique, tous ces souvenirs, tous ces acquis reprennent petit a petit place dans mon cerveau.
Ce réveil incroyable, cette impression d'avoir fait un bond de trente cinq ans dans le futur ne serait donc qu'une amnésie passagère...
...Je parle au conditionnel car je n’en suis pas bien sûr.
Non pas que je me sente dans la peau d'un autre, non, mais quelque chose a changé, comme si les souvenirs ne s‘étaient pas remis aux mêmes endroits dans ma tête, pas dans les cases ou ils étaient avant.
C'est mieux rangé, c'est plus net, plus clair, un peu comme si on m'avait défragmentée.
C'est bien agréable de se sentir neuf et libéré.
Je ne sais pas ce qui a provoqué ça, peut être le fait de revoir J.P. et G. : je ne les avais pas vu depuis les années lycée.
...Mais encore une fois, je n’arrive pas a croire a l'amnésie : l‘impression de bond dans le temps est trop forte, comme si le moi que j‘étais a vingt ans était venu tout a coup habiter mon corps actuel.
Je suis dans l'avion pour Miami et je pense a ce que G. m'a dit lorsque nous nous sommes dit au revoir : "Tu n’as pas l'impression que tout ça n’est pas très sérieux ?".
Le "tout ça" désignait nos vies, celles que nous nous étions efforcé de résumer pendant les trois heures de notre rencontre, et enchanté de cette grande vérité, ravi que ce vieil ami la partage, je suis parti le cœur léger.
Je suis heureux de retourner en Floride, je ne suis pas un fan de cet état ni de la mentalité des gens de Miami mais il y a certains personnages que je retrouve avec plaisir, comme par exemple cet ami là :

Il habite a Crandon Garden, sur Key Biscayne, en liberté
dans le jardin public, et ne s'éloigne jamais trop de son lac. Je le trouve très beau et très sage, c'est un des plus gros du coin, au moins un mètre vingt, et son age inspire le respect. Je lui rend souvent visite, j’espère que j'aurai le temps de le faire cette fois ci.