Vers la fin des années 90, j'ai été juré aux assises de Digne, expérience intéressante d'autant plus que les sessions se déroulaient dans la salle du tribunal mythique de l'affaire Dominicci.
Parmi les affaires que j'ai eu à juger, il y a eu le braquage à main armé d'une banque de Forcalquier. Il n'y avait qu'un seul accusé dans le box, un multi récidiviste qui avait déjà été condamné à vingt ans d'emprisonnement pour six autres braquages. Il était très décontracté car les peines ne sont pas cumulables en France, et il ne pouvait donc pas prendre plus.
Par contre, les gendarmes qui l'entouraient n'en menaient pas large, car l'individu s'était déjà échappé des Baumettes en s'accrochant à un hélico qu'un autre détenu avait fait venir pour s'évader. Le mec était goguenard et plein d'humour.
Au cours de l'écoute des témoignages des uns et des autres, un des gendarmes a expliqué qu'on les avait rapidement prévenu dès que le crime avait eu lieu, et qu'ils avaient aussitôt réagi en installant des barrages autour de Forcalquier.
Mais, bizarrement, les malfrats ne s'étaient pas fait prendre.
Le juge s'était alors tourné vers l'accusé en lui demandant comment il avait su qu'il y avait des barrages, et lui, un grand sourire aux lèvres, lui a répondu : "c'est simple, les gens qui venaient en face faisaient tous des appels de phare, alors on a compris qu'il y avait des flics, on a abandonné la voiture et on est parti à pied à travers champs".