lundi 24 juillet 1978

Imposteur

Je suis un imposteur.
En 1978, après avoir vécu de petits boulots, je fais une formation de soudeur à l'arc/métallier. Je travaille ensuite essentiellement en intérim, dans des usines ou sur des chantiers, et un jour on m’envoie pour une mission au Centre Pompidou. J'y arrive un matin. La femme qui me reçoit me dit qu'ils ont besoin d'un soudeur et que le chantier est sur le parvis du Musée. Elle m'y amène.
Elle me fait rentrer sous une énorme structure rouge en construction devant le Centre en me disant que c'est un spectacle de musique électronique, de lumière et de laser que le compositeur Iannis Xénakis est en train de créer.
En entendant ça, je crois m'évanouir de bonheur. A l'époque j'étais fou de musique contemporaine.
La femme me dit alors que Xénakis est justement là, que lui et le chef du chantier vont m'expliquer la mission et elle me laisse là.
J'écoute comme dans un rêve les explications des deux hommes et finit par comprendre que ce n'est pas un soudeur à l'arc qu'ils cherchent mais un technicien en électronique pour souder les cartes qui vont servir à la rotation du son.
Quand ils me demandent si je saurai faire ça, je répond par l'affirmative alors que je ne connais pas grand chose en électronique si ce n'est ce que j'ai appris en jouant avec la boite du "petit électronicien" étant gosse.
Ils me disent que je peux commencer le lendemain, et avant de partir je pique un des schémas des cartes à créer pour, le soir, aller voir un pote qui tient une boutique de réparation de synthétiseurs à Pigalle. Il m'explique la signification des symboles et le lendemain je commence à travailler comme électronicien pour le Diatope de Xénakis.
Finalement, tout se passe bien, les cartes sont simples et je m'en sors.
Un jour que je suis seul dans la régie en train de câbler, un type arrive et me dit qu'il vient livrer les 4 lasers. Je les réceptionne et il me demande alors qui va s'en occuper car il faudra  que la personne vienne faire une petite formation chez le fabricant, Spectra Physics, pour faire la maintenance des lasers durant le spectacle. Pour continuer sans me dégonfler, je lui dit que ce sera moi, et c'est comme ça que je suis en contact avec mon premier laser.
Quelques temps plus tard, il se trouve que mes talents de soudeur à l'arc sont finalement mis à contribution. Xénakis veut renvoyer les faisceaux laser dans des miroirs accrochés à un filet de câbles d'acier suspendus sous la voute, mais le filet bouge et c'est impossible de viser les miroirs car ils ne sont jamais dans la même position. A partir du second renvoi on perd déjà le faisceau. Alors je propose à Xénakis de construire des structures en tube d'acier pour y accrocher les miroirs. Il accepte et je soude pendant des jours des espèces de sculptures sous sa direction. C'est super, et il est très content de moi, il me surnomme "le Petit Vulcain".
Après une année de construction et une année d'exploitation à Paris, on démonte tout puis on remonte l'ensemble à Bonn en Allemagne où le spectacle tourne pendant une autre année.
Lorsqu'il s'arrête, on me bombarde spécialiste du laser de spectacle.