mardi 9 janvier 1979

1978: Diatope

Texte que j'ai écrit pour la sortie de la "Légende d'Eer" de Xénakis, musique du Diatope, et qui se trouve sur la jaquette du DVD sorti en 2005.

Jamais dans mes rêves les plus fous je n'avais imaginé ce que Iannis Xénakis me décrivit ce jour là.
Nous étions en 1977 et je venais de me faire embaucher comme régisseur technique du Diatope.
Sous la voûte rouge qui venait d'être montée, le maître me décrivait le plancher de verre, les cheminées qui allaient en émerger, la structure métallique qui allait recevoir les 1600 flashs électroniques, les 400 miroirs qui allaient refléter les faisceaux laser et les enceintes dans lesquelles le son allait être asservi et matricé.
Tout ça n'existait pas encore.
C'était dans son imagination, dans la tête de cet homme unique, capable de concrétiser ses émotions dans des mises en scène du futur.
Et j'allais être un des artisans de cette concrétisation.
A l'époque, je ne connaissais pas le plaisir immense d'être au service d'un grand artiste. Iannis Xénakis fut le premier, et certainement le plus grand.
Il m'avait surnommé "le petit Vulcain", et j'étais fier de ce titre, fier de réaliser tout ce qu'il me demandait.
En ce début du troisième millénaire, déclencher des flashs, matricer des sources sonores, séquencer des faisceaux laser, et synchroniser le tout sur la musique sont devenus des standards techniques du spectacle. Mais à l'époque, il a fallu tout inventer, depuis les cartes relais commandées par les ordinateurs à bande jusqu'aux séquenceurs de faisceaux, en passant par les commandes d'asservissement du son et les systèmes de réglage des miroirs.
Si le Diatope a été une aventure extraordinaire pour beaucoup de gens, il l'a été encore plus pour moi puisqu'il est le point d'origine de ma vie professionnelle.
Après le Diatope, j'ai continué à réaliser des machines à rêves pour d'autres artistes, des prouesses techniques au service de l'art.
Mais jamais je n'ai ressenti de nouveau cette impression que le temps s'arrêtait, comme ce jour où j'écoutais Iannis Xénakis me décrire l'œuvre à laquelle j'allais participer. Un rêve devenu réalité. Un moment de magie sous la grande voûte rouge.