Mes problèmes avec
l'alcool. Extraits d'un journal écrit sporadiquement au fil des années...
Jeudi
22 septembre 2005
Ça fait des années que ça dure.
Je
me réveille dans la nuit, je me suis endormi n'importe où, je ne
trouve plus mes lunettes, j'ai des crampes, la bouche pâteuse, envie
de vomir, et je me dis "ça y est, j'ai recommencé, il faut que
j'arrête". Alors je me lève et je vide toutes les bouteilles
qui restent dans l'évier, s'il en reste. Et je me sens mieux,
persuadé que je vais réussir.
Quand
le soir arrive, le Yan du soir a oublié le Yan du matin, et je remet
ça, plusieurs jours de suite, jusqu'à ce que j'arrive à la honte :
à faire un truc dont j'ai vraiment honte et là j'arrive à faire
passer le message au Yan du soir et je m'arrête vraiment.
Ça m'est arrivé de m'arrêter pendant 3 ans. Parfois ça ne dure que 2
semaines, parfois quelques mois.
J'ai
commencé à m'accrocher doucement depuis l'adolescence, j'ai 54 ans, je ne pensais pas arriver jusque
là.... Mais je me souviens que j'ai commencé à boire seul dans ma chambre pour me défoncer alors que j'étais encore au lycée.
Et
puis il y a eu la période DJ, des litres et des litres d'alcool,
toutes les nuits, jusqu'à peser vingt cinq kilos de plus....
Il
y a 2 raisons qui me font boire : lorsque je vais très bien et
lorsque je vais très mal : lorsque je vais très bien, je suis
euphorique, je me sens très fort, et je replonge ( souvent à
l'occasion d'une fête entre amis ) : lorsque je vais très mal, je
m'enferme tout seul et je me défonce jusqu'à tomber.
Il
n'y a que dans l'action que j'arrive à ne pas boire. Quand j'ai une
mission importante par exemple.
Ce
matin, c'est le cas, j'ai une mission sympa qui vient de tomber, et
je me sens la force de dire non pendant quelques temps.
Mais
après ? J'aimerais tellement trouver le truc, avoir le réflexe de
me dire qu'il ne faut pas, le jour où je vais croire que je suis
assez fort pour ne boire qu'un seul verre....
dimanche 23 octobre 2005
Je
tiens le coup. Ça fait presque 2 mois maintenant.
J'ai
envie de minimiser cette victoire parce que ça va bien dans ma vie
en ce moment : j'ai du boulot, j'ai rencontré quelqu'un qui me
soutient, mais c'est une victoire car j'y arrive alors que je suis
seul.
Je
suis en mission à Miami depuis 3 semaines et je n'ai pas bu une
goutte.
Pourtant
j'aurais pu le faire sans que personne de mon entourage s'en
aperçoive....
...c'est
bête de dire ça à 54 ans hein ?
De
se sentir coupable, d'avoir des réactions de môme devant
l'interdit... un peu minable direz-vous ?
Et
bien, pour moi, c'est une grande victoire de réussir à passer des
soirées à
m'angoisser
sans me dire " et puis merde " pour sortir m'acheter une
bouteille.
Ici,
comme dans toutes les grandes villes du monde occidental, on peut
acheter de l'alcool à n'importe quelle heure, jour et nuit.
Quand
on arrête de boire on s'aperçoit à quel point notre civilisation
est
pourrie
par ce fléau.
Des
bars partout, des magasins d'alcool ouverts 24 heures sur 24, et,
surtout, des gens incapables de faire la fête sans boire !
Depuis
maintenant 15 ans que j'ai pris conscience de mon alcoolisme, et que
j'essaye
d'arrêter de boire définitivement, le + longtemps que j'ai tenu
c'est 3 ans.
Et
à chaque fois le mécanisme de rechute est le même :
je
vais bien et je vais dans une soirée où je me sens bien, on me
propose un verre, par exemple un très bon vin, et lorsque je dis que
je ne bois pas, on me rétorque " Oh ! C'est dommage ! un si bon
vin !", et tout le monde se met alors à parler des bienfaits du
nectar.
Je
tiens une fête, deux fêtes, et un jour je me dis "allez, un
verre, tout va bien, je bois un verre aujourd'hui, et c'est tout".
Et
je ne bois qu'un verre.
Les
jours suivants, je ne bois pas, et, généralement, le week end
suivant, je me dis ce truc stupide " C'est génial ! j'ai bu un
verre et j'ai réussi à ne pas boire les jours suivants", et je
sors m'acheter une bouteille de bon vin.
Et
c'est parti ! D'abord je ne bois pas tous les jours, tous les 3 ou 4
seulement, puis tous les jours une bouteille de vin, et puis je
rajoute la bouteille de whisky le week-end et c'est l'escalade....
Seulement
maintenant, je suis rapidement malade, ce n'est pas comme il y a 15
ans où, lorsque j'ai arrêté, je commençais ma journée par vomir
dans les toilettes depuis plusieurs années.
Aujourd'hui
je suis revenu écrire sur ce blog parce que hier il a encore fallu
que
je justifie mon alcoolisme.
Je
trouve ça très difficile.
Lorsque
l'on dit aux gens que l'on est alcoolique; la première question
c'est : " vous buviez quelle quantité ?".
Et
on a pas envie de se lancer dans des explications compliquées, genre
:
"
j'ai eu des périodes à une bouteille de whisky par jour et d'autres
à 4 verres de vin par jour mais c'est pareil c'est l'habitude qui
fait l'alcoolisme ", parce que là, on rend l'interlocuteur mal
à l'aise, et on part dans des discussions débiles
Souvent
la raison c'est que, une fois sur deux, la personne vous pose cette
question parce que elle même se demande si elle n'est pas un peu
alcoolique aussi.
Alors
maintenant, j'exagère et je ne parle que de ma pire période :
"
Quand j'étais DJ, je buvais plus d'une bouteille de whisky par nuit,
j'avais 2000 personnes à faire danser tous les soirs, alors vous
comprenez..... ".
Et
la personne en face de moi hoche la tête avec compréhension mais
son sourire est surtout dû au fait qu'elle même se sent rassurée :
elle n'en est pas encore là, elle ne boit pas autant !
Et
elle va se resservir un verre de punch....
Pendant
une période j'ai eu envie de faire la guerre à l'alcool, et lorsque
je voyais quelqu'un qui ne pouvait pas s'empêcher de boire son verre
de whisky tous les soirs, j'essayais de lui démontrer que c'était
une forme d'alcoolisme.
Et
puis j'ai arrêté de le faire parce que souvent ça ne sert à rien
et ça entraine des discussions inutiles.
jeudi
4 octobre 2007
Quand
j'étais petit et qu'on me disait "dis bonjour à la dame",
mon père m'avait appris à répondre "j'aime pas les gens".
Et
c'est ce que j'ai fait.
En
fils obéissant je répondais par cette phrase stupide, en prenant un
air borné qui faisait rire tout le monde.
Et
plus les gens riaient et moins je les aimais.
Cinquante
ans plus tard, je n'aime toujours pas les gens.
Mais
quand on n'aime pas les gens, on n'aime pas la vie, et je n'aime plus
la mienne.
Merci
papa.
J'ai
emménagé à Pernes Les Fontaines début juillet.
Ai-je
déjà aimé quelqu'un ? Je crois bien que non.
L'éducation
de mon père a porté ses fruits
mardi
16 octobre 2007
J'ai
cessé de lutter comme un con. Je bois, parfois trop, mais pas
régulièrement. Depuis que je suis à Pernes, j'arrive à vivre mon
alcoolisme avec sérénité. Pourvou qué ça doure.
mardi
12 février 2008
Malgré
un petit écart d'une bouteille au retour de Doha, ça fait 3 mois
que je n'ai pas bu une goutte.
Ce
soir j'ai été obligé de prendre un calmant pour réussir à ne pas
aller acheter une bouteille de whisky. Ça na va pas fort, mais il
faut que je tienne. Je ne supporte plus l'alcool, ça me fait mal, ça
me rend malade.
mardi 6 mai 2008
De
retour à Scrignac depuis 1 mois. Obsédé par la douleur de la
hernie discale. Mort de trouille de souffrir, de mourir. En lutte
perpétuelle avec l'alcool. C'est pas le pied. Heureusement qu'il y a
le boulot et ce logiciel qu'il me tient à cœur de faire naître
enfin.
dimanche
20 juillet 2008
Je
suis complètement déprimé. Ça fait des mois que je vis accroché à
des cubis de pinard, que j'écluse, et écluse. Tous les soirs je
tombe vers 21 heures et je me réveille, mal, tous les jours à 4 ou
5 h du matin. J'en ai marre, il faut absolument que j'arrête. Mais
je ne veux pas rompre ma solitude, et seul, c'est très, très dur
lundi 2 février 2009
J'ai
arrêté, il y a 2 jours, de nouveau.
En
Octobre je suis allé voir le médecin et il m'a prescrit de l'Aotal
et du Xanax.
J'ai
tenu le coup pendant 2 mois, c'était les 2 mois que j'ai passé à
bosser avec Kim, et c'était vraiment bien.
Je
suis allé à Miami et j'ai repris l'habitude de mes petites flasques
de Jack Daniels et puis je suis revenu en Bretagne et j'ai recommencé
la ronde des cubis.
Le
fait d'être au chômage et désœuvré ne m'aide pas...
Alors
j'ai décidé d'arrêter.... de nouveau..... il faut que j'ai le
courage de tenir, je me sens vraiment trop mal avec cette dépendance.
samedi
7 mars 2009
Hier
soir, dans le train vers Guingamp, je m'étais persuadé qu'il
fallait que j'achète une bouteille de blanc pour accompagner les
huitres que je vais acheter au marché de Carhaix ce matin, et puis,
quand je suis arrivé et que j'ai vu que François n'avait pas fait
le crépi de la véranda, ça m'a encore renforcé dans l'angoisse,
et je me suis couché avec cette idée de ne pas être abstinent ce
weekend.
Mais
ce matin je me suis réveillé frais comme une rose.
Alors,
il faut que je tienne ! Je me sens beaucoup mieux quand je ne bois
pas, alors pourquoi recommencer ?
lundi
16 mars 2009
Je
suis dans le TGV.
Ça
fait 10 jours que je n'ai pas bu une goutte, et en plus j'ai
complètement arrêté le Xanax, et je me sens vraiment, vraiment
bien. Il faudra que je m'en souvienne. Pourvou qué ça doure.
Bashung
est mort hier, la vie est absurde mais j'ai envie de continuer à
vivre....
jeudi
19 mars 2009
J'ai
bu du whisky. J'ai jeté le reste de la bouteille de Jack Daniels
dans l'évier. C'est minable. Le problème, c'est que j'ai eu des
crises d'angoisses, avec des picotements partout, aujourd'hui. Est-ce
que c'est dû au fait que j'avais bu du vin hier soir ? J'arrête de
nouveau. Cette fois, il faut que je tienne.... putain j'en ai marre
de cette vie de con.
samedi
21 mars 2009
Je
suis à Scrignac pour le week-end, bien décidé à tenir le coup
cette fois-ci.
Pourquoi
est-ce que j'ai craqué cette semaine ?
Parce
que je n'ai pas réussi à gérer mon stress.
Mon
angoisse a des effets physiques que je n'arrive à calmer qu'avec
l'alcool.
Il
y a d'autres moyens, pourtant, par exemple lorsque je faisais du
jogging tous les matins, j'arrivais à supporter ce malaise; mais
depuis que j'ai eu mon hernie discale, je ne cours plus.
Il
faut dire aussi qu'à Scrignac ce n'est pas très agréable de
courir.
Ce
weekend je vais faire du jardin et du vélo.
Ensuite,
je vais retourner à l'hôtel pour 4 jours et puis loger chez
Laetitia pendant 10 jours, ça va me changer, et si j'arrive à tenir
sans boire jusque là, ça sera déjà un grand pas.
mardi
24 mars 2009
Même
si hier soir ça n'allait pas fort dans cette chambre d'hôtel de
Malakof, il faut que je me souvienne du plaisir que j'ai à dormir, à
rêver, et à me réveiller frais et dispos lorsque je ne bois
pas....
mercredi
25 mars 2009
Rien
de spécial ce matin, sinon que je tiens les coup... 7 jours ce n'est
encore le record, mais je vais y arriver !
mercredi
1 avril 2009
Tout
va bien. Pas d'angoisse. Pas de manque, pourvu que ça dure...
mardi
7 avril 2009
20
jours sans boire et hier je me suis acheté une demi bouteille de vin
parce que j'étais vraiment trop angoissé par l'attitude de David et
parce que je m'attends à ce qu'il me dise aujourd'hui qu'il ne
m'embauche pas. Donc je remets le compteur à zéro. En plus j'ai
bouffé une boite de pâté dégueulasse, et j'ai mal au cœur...
Ce
soir je dîne chez Didier, et je vais sûrement remettre ça...
Après
je me remettrai à l'eau, oui ou non ? oui je crois que je le
ferai.....on verra.
dimanche
12 avril 2009
Hier,
j'ai bu une demi bouteille de vin blanc le midi et la moitié d'une
bouteille de Jack Daniels le soir.
Je
ne vais rien boire aujourd'hui car demain je prends la route.
Pour
une fois, je ne vais pas vider la bouteille dans l'évier, je vais la
laisser ici à Scrignac.
samedi
18 avril 2009
Bon,
j'ai atteint la limite, je vais arrêter, le plus longtemps possible.
A l'eau !
La
bouteille de Jack Daniels du we dernier, + tout le vin que j'ai bu
cette semaine : non seulement ça me mine mais en plus ça coûte
cher !
dimanche
19 avril 2009
Je
crois qu'il faut que je me fasse à l'idée que ma vie une un cycle
binaire entre les périodes où je bois de l'alcool et celles où je
suis abstinent.
Bon,
j'entame une nième période d'abstinence.
Remise
à zéro des compteurs.
lundi
20 avril 2009
allez
! 2 jours sans boire
ça
fait du bien !
vendredi
24 avril 2009
Une
demi-bouteille de vin.
A
près 6 jours d'abstinence.
jeudi
21 mai 2009
Je
suis dans le studio de Chatillon depuis 5 jours, mais je ne me sens
pas mieux. Bien sûr je suis content d'avoir réussi à faire ce que
je voulais : me faire ré-embaucher par David et me trouver un appart
sur la coulée verte, mais je ne me sens pas mieux.
J'ai
réussi à tenir 4 jours sans boire, j'ai même recommencé le
jogging, mais hier soir j'étais vachement angoissé et je suis allé
m'acheter une bouteille de vodka. J'en ai bu un tiers et je me suis
endormi sur le divan. Je viens de me réveiller, il est 5h et j'ai
vidé le reste de la bouteille dans l'évier. C'est nul, ma vie
m'emmerde.
vendredi
28 janvier 2010
Ce
vendredi soir là, l'envie de boire s'est installée dans mon
cerveau, irrépressible, comme un programme qui s'enclenche et qu'on
ne peut pas arrêter.
En
éteignant mon ordinateur j'ai dit à Kim, qui partage mon bureau :
-
"Ça ne va pas. Je crois que je suis parti pour me défoncer ce week-end".
Et
il m'a répondu :
-"Déconne
pas. Tu tiens le coup. Ça fait combien de jours que tu n'as pas bu
?".
-"Trente
huit jours. Oui je sais c'est débile, mais c'est là !". Je me
suis tapé sur le front en lui disant cette phrase qui résumait bien
la situation. Un mécanisme avait démarré dans ma tête et il
allait me conduire au "rayon du fond".
Kim
lisait dans mes pensées, je lui avais déjà décrit le phénomène
:
-"Pas
le rayon du fond, OK ?". Et il est parti. Il savait qu'il ne
pouvait rien faire de plus. C'était un combat entre moi et moi.
Je
suis allé au rayon du fond du supermarché avec le sentiment de
perdre, acheter mes deux litres de whisky, les moins chers, la tête
baissée comme pour mieux foncer. Il était 18h.
A
19h j'étais déjà ivre, tout seul dans mon studio, et j'écrivais
des messages débiles et désespérés dans le vide de la toile.
Quand
je me suis réveillé par terre à 4h du matin, le second scénario
habituel s'est enclenché, celui de la honte et de la mort.
Marcher
de long en large dans la pièce en répétant : "Merde, merde,
pourquoi j'ai fait ça ? Je suis con. Pourquoi j'ai fait ça ? Je
vais plus pouvoir m'arrêter. C'est quoi cette vie de merde ?
Pourquoi je vis ça ? Faut en finir, faut en finir".
Et
le rituel du suicide qui n'aboutit jamais, comme un théâtre minable
que je me joue, toujours les mêmes gestes, poser les somnifères, le
sac plastique et le rouleau de scotch sur la table basse, s'asseoir
devant, essayer le sac, et puis l'image de mes proches qui trouvent
mon corps asphyxié, cette image qui me fait tout repousser d'un
revers de main.
D'habitude
le scénario se termine parce que je me ressers à boire et que je
m'écroule à nouveau, mais, cette fois là, ça s'est passé
différemment.
Je
me suis levé et j'ai regardé autour de moi. Les murs du studio
m'ont étouffé. J'ai mis mon manteau, j'ai pris mes clés de
voiture, je suis descendu au parking et j'ai roulé vers Paris.
Vers
Saint Michel, j'ai pris une pute en stop, elle était complètement
défoncée, elle n'arrêtait pas de parler, de râler après l'enculé
qui lui avait piqué ses clopes et après le connard du cybercafé
qui ne voulait pas qu'elle y dorme. Je l'ai amené jusqu'à Pigalle
et je lui ai donné un peu de sous pour qu'elle s'achète des
cigarettes et puis je suis reparti vers le sud de Paris.
Je
n'avais pas envie de rentrer chez moi mais je ne savais pas où
aller. Ça et là, des groupes de jeunes débordaient sur les
trottoirs, complètement défoncés.
Je
me suis senti très vieux et très fatigué.
Vers
les quais de Seine, j'ai vu un mec debout à coté d'une jeune fille
allongée par terre. Je me suis arrêté.
-"Ça
ne va pas ? Je peux vous aider ?"
-"Quoi
? Ah ! Elle ? Non, je la connais pas, elle est raide. Vous allez vers
Alesia ?".
Il
s'appelait Romain, il était sympa, il bossait dans une boutique de
piercing. Quand il m'a demandé ce que je faisais, je lui ai dit que
j'étais informaticien mais que j'en avais ras le bol de passer mes
journées à écrire du code sur un ordi, que j'avais envie de tout
plaquer.
-"Ouais,
tu as raison ! Plaque tout ! Allez ! Bonne vie !". Je l'ai
largué devant le Mac Do d'Alésia.
Je
suis renté chez moi.
Il
était 6h30.
J'ai
envoyé un email à toute ma famille, à tous mes collègues, et à
mon patron, en leur disant que j'en avais marre de cette vie et que,
plutôt que me suicider, j'avais décidé de tout plaquer et de
partir droit devant moi.
J'ai
mis des affaires en vrac dans la voiture et je suis parti vers le
Sud.
Au
début j'avais la tête bien embrouillée. Il pleuvait, il faisait
nuit.
Quand
le jour s'est levé et que la pluie s'est arrêté, j'avais décidé
de partir au Maroc.
J'étais
à 250 km de Paris.
Et
c'est alors que je me suis aperçu que j'avais oublié mon passeport.
J'ai
fait demi-tour et je suis rentré vers Paris en me maudissant.
Arrivé
à Clamart, la voiture a commencé à faire un drôle de bruit. J'ai
ouvert le capot, c'était un bruit métallique épouvantable, et de
la limaille de fer sortait du coté de l'alternateur.
J'ai
réussi à rouler jusqu'au garage près de chez moi, c'était la fin
de l'après-midi du samedi, et le garagiste me dit qu'il ne pourrait
pas la réparer avant le mardi.
Je
suis rentré dans mon studio.
Je
me sentais incapable de revenir en arrière.
Mes
sentiments étaient partagés entre la honte, l'angoisse de
l'insécurité, et un putain de désir de liberté.
Pendant
les 3 jours qui ont suivi, j'ai écrit et appelé la poignée de gens
qui m'aiment, et ils m'ont vraiment fait du bien.
Mais
je n'arrivais pas à prendre une décision précise. Je me disais que
j'allais repartir vers le Maroc dès que ma voiture serait réparée,
mais au fond de moi je n'étais pas convaincu de la clarté du
projet.
Mardi,
à 17h, je suis allé chercher la voiture au garage, et je suis
rentré à mon studio pour prendre des affaires et repartir.
L'ordi
était allumé sur la messagerie Gmail et il y avait ce message de
mes amis Porto-Ricains sur l'écran :
Hello,
Yes
please come immediately! We have been talking about your possible
move to Puerto Rico and it sounds like it might be the change that
you are looking for. As far as staying with us, you can stay here and
also if you like, in our boat in Culebra which is now very
comfortable. There are many possibilities for work specially if you
are flexible. Let us know when you are arriving and we will pick you
up from the airport.
Lots
of love.
Alors
demain je vide ce studio maudit, je rends les clés et je décolle
lundi matin.
Je
vous souhaite à tous d'avoir des anges comme les miens.
vendredi
2 décembre 2011
Je
m'étais trompé sur la signification du message de Grego et je n'ai
rien trouvé à faire à Porto-Rico, si ce n'est boire du rhum. Je
suis retourné vivre avec Isa et nous nous sommes installé à La
Ciotat.
Mais
ça ne va pas vraiment mieux, j'ai du mal à maîtriser mes émotions,
surtout la contrariété.
Lorsque
ça ne se passe pas comme je le voudrais, l'angoisse s'installe et ne
s'en va plus, elle occupe toutes mes pensées, elle me paralyse.
Dans
ces moments là, je me dis que la seule solution pour que cette
douleur psychique s'arrête c'est de boire de l'alcool. Et c'est
vrai. L'alcool anesthésie instantanément mes angoisses, dès le
premier verre.
Malheureusement,
je n'arrive à me contenter d'un ou deux verres que pendant quelques
jours. Pendant la première semaine, je me sens plutôt bien dans la
journée, même si un évènement me contrarie, et j'arrive à tenir
jusqu'au repas du soir où je m'autorise à boire un peu, mais ça ne
dure pas plus longtemps.
Très
rapidement, la pensée du verre que je vais boire le soir m'obsède
toute la journée, il emplit mes pensées et je ne maîtrise plus la
contrariété. Alors j'augmente les doses, je bois de plus en plus
tôt, j'achète de l'alcool de plus en plus fort, jusqu'à ce que la
peur de sombrer dans un alcoolisme plus profond s'installe. Alors je
décide d'arrêter.
Ça fait plus de quarante ans que ça dure.
Je
n'ai pas bu une goutte d'alcool depuis le 2 octobre. J'avais repris
un peu cet été, mais pas longtemps. En fait, depuis que je vis à
La Ciotat j'ai été abstinent les 3/4 du temps.
Depuis
que je vis avec Isa, c'est beaucoup plus facile, et aujourd'hui j'ai
vraiment l'espoir de réussir à arrêter complètement ce combat
débile.
mardi
3 janvier 2012
C'est
étrange. Ça ne fait que 3 mois que je n'ai pas bu une goutte et
j'ai l'impression que ça fait une éternité...
vendredi
21 septembre 2012
Je
n'ai pas bu d'alcool depuis onze mois et trois semaines.
Bientôt
un an sans une goutte !
Incroyable
!
Je
pense que je vais mieux quand je relis ces messages....
...et
pourtant je me lève tous les matins avec l'angoisse de vivre.
Foutu
Démon !
Combat
Débile !
vendredi
8 Mars 2013
Je
n'ai pas bu une goutte depuis octobre 2011. Un an et demi ! Mais j'ai
la jambe droite coincée par le nerf sciatique depuis plus de 2 mois.
Je viens de passer 3 semaines à Miami et puis sur le bateau le
Silver Cloud, jusqu'à Porto Rico, mais je n'ai pas pu apprécier, à
cause de la douleur. Elle m'a pris quand j'ai travaillé au
Futuroscope en décembre, et ça a continué au Puy du Fou, où j'ai
bossé pour Joss, puis à Miami. Je vais passer un scanner lundi,
j'espère qu'il vont trouver ce que j'ai...
dimanche
21 juillet 2013
L'opération
de la hernie discale s'est bien passée, j'arrive de nouveau à
marcher, mais je suis fatigué. Il faut dire que l'été est torride.
Je
ne bois toujours pas. C'est vraiment chouette. Et coté boulot ça va
plutôt bien.
jeudi
23 janvier 2014
Je
suis à l'aéroport de Guayaquil.
De
retour de ma mission d'installation TV pour Silversea.
Je
passe le temps en attendant l'avion, et tombe sur ce journal, sur ce
sujet troublant : l'alcool et moi.
Depuis
l'opération de la hernie discale, je me sens vraiment en pleine
forme, et l'alcool me fait peur. J'aimerais bien boire un verre de
temps, comme récompense, comme détente, mais j'ai tellement peur de
replonger dans le cirque infernal que j'ai vécu pendant 30 ans....
Ce
journal est là pour me le rappeler, c'est bien.
lundi
8 septembre 2014
J'ai
commencé ce journal sporadique il y a presque 9 ans. Aujourd'hui je
suis sobre. Je suis dans le TGV pour Poitiers et je suis content de
pouvoir m'occuper l'esprit en attendant le résultat des examens
hospitaliers que je vais passer la semaine prochaine. Les médecins
on découvert une anomalie sur une vertèbre et un nodule aux poumons
qui leur font craindre un cancer. L'attente du diagnostic est assez
dure à supporter maintenant mais ma première réaction à l'annonce
de cette nouvelle ressemblait à du soulagement. La mort m'attire
depuis toujours et j'ai hâte de la rencontrer. Cette maladie ne me
fait donc pas peur. Ce qui m'angoisse c'est de ne pas savoir la gérer
en face de mes proches, je ne voudrais pas qu'ils souffrent trop.
mercredi
3 décembre 2014
Cancer
au poumon, infiltré dans la plèvre avec métastase sur la vertèbre
T9. Quand je regarde sur internet, je ne vois que des articles qui
disent que c'est incurable.
D'abord
je me suis dit que c'était bien la peine d'avoir arrêté de boire
depuis 3 ans pour me taper tout ça : crises de goutte, hernies
discales et maintenant cancer, mais je n'ai pas envie de recommencer
à boire, ça ne m'apportera rien.
J'ai
décidé de faire ce que les médecins me disent, pour essayer de
vivre le plus longtemps possible, sans trop croire en ma guérison.